DELAY INTUBATION
TELLE EST LA QUESTION
Commençons par deux vrais patients…
Patient n°1 :
Patiente de 65 ans, poids de 65 Kgs, amenée aux urgences par les ambulanciers pour insuffisance respiratoire aiguë décompensée.
ATCD : Lymphome T, cardiopathie chimio-induite avec FEVG à 40%, BPCO post-tabagique avec VEMS à 49%.
Ses constantes sont les suivantes : FC = 130/min, TA = 189/81, SpO2 = 84% et FR = 44/min.
Elle présente une agitation psychomotrice et une encéphalopathie, elle n’a pas de voie veineuse fonctionnelle.
Ses Gaz du Sang piqués tant bien que mal retrouvent les résultats suivants : pH = 7.03, PaO2 = 7.6kPa (57 mmHg), PaCO2 = 11.8 KPa (88.5 mmHg) et HCO3- = 29,3 mmol/L.
Elle est sous masque à haute concentration depuis 10 minutes aux urgences.
Elle accepte initialement la mise en route d’une VNI mais la retire au bout de 30 secondes car dit étouffer encore plus.
Que faites vous ?
Patient n°2 :
Patiente de 63 ans, pesant 80 kgs, hospitalisée en chirurgie cardiovasculaire pour une ischémie subaiguë de membre inférieur gauche.
ATCD : Cardiopathie ischémique avec FEVG à 25%, artériopathie oblitérante des membres inférieurs, HTA, DNID.
À son arrivée dans le service 6 heures plus tôt, son taux d’hémoglobine était à 60 g/L et elle a été transfusée de 2 culots érythrocytaires sur 2 heures.
À 2h du matin, elle présente une insuffisance respiratoire aiguë décompensée, si bien que le chirurgien appelle l’intensiviste en urgence.
À son arrivée, les constantes de la patiente sont les suivantes : FC = 110/min, TA = 221/113, SpO2 = 74% et FR = 40/min.
La patiente refuse le masque à haute concentration d’O2, s’agite dans son lit et crie.
Elle a actuellement un cathéter périphérique bleu (20G) dans une veine de la base du pouce.
Que faites vous ?
Considérons le Base Jump :
Le Base jump est le sport extrême le plus dangereux. (Je n’ai malheureusement pas les statistiques du Wingsuit).
C’est à peu près 80 fois plus dangereux que le saut à l’élastique…
La mortalité du Base Jump est à peu près de 1%, c’est à dire que 1 saut sur 100 se terminera par un arrêt cardiaque…
Considérons maintenant l’intubation :
Nous ne sommes pas seul sur le bras droit du Corcovado !!! :
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Laryngoscopie difficile dans 24% des cas,
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Première tentative d’intubation fructueuse dans 83.4% des cas
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Intubation difficile dans 3.4% des cas,
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Complications quel qu’elles soient dans 29% des cas,
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Désaturation dans 15.7% des cas,
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Arrêt cardiaque récupéré dans 2.2% des cas.
Take Home Message :
L’intubation dans un contexte d’interface Urgence/ICU est plus susceptible de vous tuer (en tant que patient) que le Base Jump…
Et le problème est :
Notre patient est malade, non ???!!!
Quand TOUT fonctionne, nous transformons un patient « mort » en patient « vivant » !!!
Quand la « Rapid Sequence Intubation » tourne mal, nous transformons un patient « vivant » en un patient « mort » !!!
Qu’est-ce qui tourne mal ?
L’hypotension est le plus fréquent des effets indésirables lors de la « Rapid Sequence Intubation » (jusqu’à 45% des intubations).
Mais l’hypoxémie est le plus commun des effets indésirables conduisant à la mort.
Les facteurs d’hypoxémie sont multiples. Ils sont liés au patient dans 23% des cas, ils sont liés au médecin et à ses prises de décisions dans 10% des cas.
Il existe aussi des facteurs liés à la formation, au « training », aux échecs de communication, de collaboration et/ou d’organisation…
http://bja.oxfordjournals.org/content/106/5/632.full.pdf+html
Qu’est-ce que nous pouvons faire pour éviter cela ?
Discutons de la pré-oxygénation :
Il s’agit du processus d’administrer de l’oxygène à un patient avant l’intubation afin de prolonger le temps « SÉCURE » d’apnée.
La consommation d’oxygène durant l’apnée est approximativement de 250 ml/min (3 ml/kg/min) chez le patient.
Or nous en savons quelque chose, nos patients de soins intensifs ne sont pas « sains » (loin de là) si bien que la désaturation peut survenir immédiatement malgré la pré-oxygénation.
Les objectifs de la préoxygénation sont :
– D’atteindre une SpO2 de 100%,
– De permettre la dénitrogénation des poumons (cette dénitrogénation est obtenue en faisant respirer à nos patients 100% d’oxygène),
– Respirer simplement 100% d’oxygène peut accroître la quantité d’oxygène dans les poumons de 450 mL à 3000 mL,
– D’oxygéner le sang (moins significatif),
– De maximiser la CRF.
Optimisons la pré-oxygénation :
La pré-oxygénation devrait être systématiquement considérée en cas de nécessité d’intubation, dans toute les situations, à l’exception de l’arrêt cardiaque.
Pour l’optimiser :
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La position du patient doit être adaptée,
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Les lunettes nasales avec un débit entre 4 et 15 L/min d’O2 peuvent être mises en place,
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Si la SpO2 est supérieure à 95%, le BAVU peut être utilisé au débit maximum d’oxygène,
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Si la SpO2 est inférieure à 95%, si le patient présente une hypercapnie ou s’il est obèse, la VNI peut être utilisée (FiO2 = 100%, PEEP = 5-15 cmH2O, AI = 5-8 cmH2O),
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Il faut continuer la pré-oxygénation 3 minutes une fois que la SpO2 est supérieure à 95%.
Et si on parlait de la Delayed Sequence Intubation (DSI) :
La DSI est une sédation procédurale où la procédure est la pré-oxygénation.
Typiquement, lorsque le patient ne peut pas tolérer la pré-oxygénation (ou d’autres procédures précédant l’intubation) en raison de délire et/ou d’agitation, la DSI facilite la correction de l’hypoxémie avant l’induction hypnotique et la curarisation.
Cette séquence doit privilégier des sédatifs qui préservent le réflexe de déglutition et le drive respiratoire avec des effets minimaux sur l’hémodynamique (= KÉTAMINE).
Cette DSI n’implique pas forcément la VNI.
Cette procédure s’adresse donc à l’agité non coopératif qui nécessite une intubation.
L’approche « standard » de ce type de patient :
L’approche « DSI » de ce type de patient :
Existe t-il de la littérature sur la DSI ?
Les autres avantages de la DSI :
La DSI permet une meilleure préparation physique et psychologique de l’intubateur, de l’équipe, de l’environnement et du patient bien sûr…
Elle permet de poser un ou des accès intraveineux sûrs, permet d’introduire des vasopresseurs et/ou inotropes, permet de faire un remplissage vasculaire, permet de faire une bronchodilatation, de monitorer le patient.
En réalité, la DSI permet de S’ACHETER DU TEMPS à tout point de vue. Tout d’abord pour la pré-oxygénation mais aussi pour rendre cette procédure, l’intubation d’urgence, le plus sûr possible.
Et si le patient s’améliore ?
Super, tant mieux.
Mais méfions nous et surveillons le de près.
Et au moindre doute, il faut se rappeler que le plan A est souvent le meilleur !!!
A propos de la Kétamine :
Avec la Kétamine tout est question d’habitude et de posologie.
La dose analgésique = 0.1-0.3 mg/kg. Mon patient est soulagé de manière sûre mais cette dose est généralement insuffisante pour la DSI.
La dose récréationnelle = 0.2-0.5 mg/kg. Mon patient plane, il est content mais nous moins…
La dose dissociative partielle et intermittente = 0.4-0.8 mg/kg. Mon patient est rond comme une queue de pelle, il est non-coopérant et nous ne sommes pas satisfaits.
La dose dissociative > 0.7 mg/kg. Mon patient et moi sommes satisfaits, le patient est complètement coopérant avec une respiration spontanée et un réflexe de déglutition préservés.
La dose hypnotique = 2-3 mg/kg. Mon patient dort et perd respiration spontanée et réflexe de déglutition. Il s’agit de la dose d’induction pour l’intubation.
Bien que la Kétamine puisse apparaître comme une super drogue, elle possède des effets indésirables potentiellement sévères qu’il convient de connaître et d’être prêt à surmonter.
On retrouve :
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Le laryngospasme, essentiellement chez l’enfant (0.4%),
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L’hypersalivation (30%),
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Vomissements (5% mais presque toujours lors de l’orthostatisme et après injection intramusculaire),
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La dépression respiratoire transitoire (habituellement dans les 2 à 3 minutes suivant une dose importante et une injection IV rapide),
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L’augmentation transitoire de la fréquence cardiaque et de la tension artérielle.
Les contre-indications sont absolues chez l’enfant de moins de 3 mois et en cas de psychose même chez le patient actuellement stable et bien contrôlé par les traitements)
Elle sont relatives chez l’enfant entre 3 et 12 mois, en cas d’antécédent de chirurgie ou de sténose trachéale, en cas d’hypertension artérielle non contrôlée, de dissection aortique et en cas de plaie du globe oculaire ou de glaucome.
Il existe des alternatives à la Kétamine telles que la Dexmedetomidine, le Fentanyl/Remifentanyl/Alfentanyl, le Midazolam le Propofol et des associations médicamenteuses.
Encore une fois tout est question d’habitude et de sécurité d’utilisation.
Devrions nous utiliser la DSI ?
OUI, dans des situations précocieusenement sélectionnées…
La DSI permet d’améliorer les procédures d’intubation en incluant la recherche des facteurs de pré-oxygénation difficile autant que les facteurs d’intubation difficile.
Elle nécessite une réflexion collective et d’être extrêmement méthodique.
Les challenges et les pièges sont nombreux comme les barrières cognitives, la nécessité de validation locale, l’inclusion dans des protocoles et des guidelines, la sélection des « bons patients », la Kétamine – la comprendre et devenir son ami (concerne toute l’équipe), l’entraînement doit être multidisciplinaire, il faut un travail d’équipe pour anticiper les complications avec une surveillance rapprochée et un monitoring strict !!!
Conclusions des cas :
Cas n°1 :
Echec de la CPAP et de la VNI. Utilisation de la Kétamine à la dose de 30 mg (soit 0.46 mg/kg). Injection lente à la seringue en 45 secondes. Altération de l’état de conscience de la patiente avec préservation d’un réflexe de déglutition et d’une ventilation spontanée. Pré-oxygénation de la patiente à la CPAP (FiO2 = 100%, AI = 6, PEEP = 12 pendant 5 minutes avec 3 minutes au moins à SpO2 = 100%). Préparation de l’intubation (matériel, drogues, pose de 2 VVP, briefing de l’équipe paramédicale des urgences). Induction de la RSI avec 170 mg de Kétamine et 100 mg de Succinylcholine. Patiente Cormack 1, intubation sans difficulté. SpO2 à la prise au ballon à 92%. Pas d’hypotension immédiate.
Cas n°2 :
Utilisation de la Kétamine à la dose de 30 mg (soit 0.375 mg/kg) Injection lente sur 30 secondes sur la VVP. Altération rapide de l’état de conscience de la patiente avec préservation d’un réflexe de déglutition et d’une ventilation spontanée. Pré-oxygénation de la patiente à la CPAP (FiO2 = 100%, AI = 8 et PEEP = 10) pendant 6 minutes avec au moins 3 minutes avec SpO2 = 100%. Pose de 2 VVP de bon calibre. Patiente se ré-agitant au bout de 5 minutes avec nouvelle dose de Kétamine de 30 mg. Préparation de l’intubation (matériel, drogues, briefing de l’équipe paramédicale du service de chirurgie cardiovasculaire). Induction de la RSI avec Etomidate 30 mg, Fentanyl 50 mcg et Succinylcholine100 mg. Pharynx plein de sécrétions épaisses ne permettant pas de voir directement les cordes vocales. Aspiration. Patiente finalement Cormack 1, intubation sans difficulté. SpO2 à la prise au ballon à 100%. Pas d’hypotension immédiate.
Vous noterez que dans les deux cas, la dose de Kétamine utilisée pour la DSI est moindre que celle préconisée. Je pense qu’il est plus intéressant de titrer pour trouver la juste dose, en s’exposant ainsi moins au risque d’effets secondaires et indésirables.
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Bonjour Sha,
Merci de ta question.
Tout dépend de ce que tu veux faire et de quel est l'état de ton patient.
Si tu penses qu'il peut être correctement préoxygéné en ventilation spontanée stricte sans nécessité de pression positive, alors tu peux utiliser une ventilation au BAVU ou avec le Va et Vient.
Maintenant si tu retardes l'intubation pour justement correctement préoxygéner ton patient alors je pense qu'il est certainement préférable en terme d'efficacité de recourir à la VNI.
L'oxygénation, la dénitogénation et le recrutement alvéolaire n'en seront que meilleurs.
J'espère avoir répondu à ta question.
A bientôt.
place de l'”utilisation du va et vient versus Bavu?